L'évêque de Saint-Hyacinthe déménage à Belœil
Le 22 mai 1866, messire Charles Larocque, curé de Saint-Jean-sur-Richelieu, est nommé évêque de Saint-Hyacinthe. On a écrit de lui qu'il est de tempérament vif et qu'il ne mache pas ses mots.
La dette du diocèse se chiffrait à 50 000 $, énorme pour 1866, surtout que les fidèles, cultivateurs pour la plupart, disposaient de peu d'argent liquide. Le nouvel évêque s'attelle à la tâche d'éponger cette dette; il met la clé dans la porte de l'évêché pour s'installer à Belœil.
Lune de miel
Ses sujets de Saint-Hilaire sont les premiers à le recevoir et à lui présenter une adresse de félicitations et de bons voeux lorsqu'il descend du train au village de Saint-Hilaire dont la gare est plus proche du presbytère de Belœil que ne l'est la station de Belœil.
Le trouble
Le 27 septembre 1866, le populaire curé Isaïe Soly quitte Saint-Hilaire. Le 13 septembre, messire Charles Boucher, ci-devant curé de Saint-Liboire, est nommé à Saint-Hilaire. Ce ne fut pas long avant que son attitude scandaleuse vis-à-vis les femmes et son honnêteté plus que douteuse engendrent un « état de choses tellement grotesque, raconte l'historien Armand Cardinal, que des paroissiens dressent une requête longue de sept pages de griefs ». Mais l'évêque tranche en faveur de l'abbé Boucher, jugeant que les signataires sont, dira plus tard l'historien Isidore Desnoyers, « des esprits gonflés, pétris d'orgueil, qui veulent s'immiscer dans l'administration des écoles, de la fabrique et du sanctuaire ».
Quoi qu'il en soit, le curé Boucher, sa situation devenue intenable, quitte Saint-Hilaire le 3 février 1873. Le dimanche 19 septembre 1873, le nouveau curé Godard lit au prône la lettre de Mgr Larocque aux paroissiens de Saint-Hilaire Guillaume Cheval en est vivement offensé. À l'issue de la messe, sur le perron de l'église, il fait une sortie virulente contre Mgr Larocque et ses dires; il attaque son autorité et invite les fidèles à le suivre. Le maire Moise Bessette l'approuve ostensiblement. Cheval annonce qu'il ne se soumettra jamais tant que l'évêque n'écoutera pas les deux parties en cause et sans qu'il puisse, lui, se faire entendre.
Informe de l'affront du téméraire Guillaume Cheval, l 'évêque exige des réparations et des excuses de toute la paroisse. « Ce déplorable discours, marque d'un funeste caractère de schisme et d'hérésie, écrit Larocque, est peut-être le plus grand scandale qui eut jamais lieu dans les paroisses de notre pays! »
Un an plus tard, n'ayant pas reçu les excuses attendues, l'évêque ordonne :
L'historien Armand Cardinal observe. « Pour ajouter au malaise, le clocher amputé donne à l'église l'image d'un oiseau blessé; l'absence de curé accentue l'impression de désolation; la vie paroissiale semble anéantie; même les ténors de la paroisse se sont tus ».
La rédemption
Enfin, le 2 novembre 1874, une supplique solennelle en quinze points, signée par 200 paroissiens, dont Guillaume Cheval et Moïse Bessette, reconnaît au curé le dernier mot (et peut-être le premier) pour sanctionner tout ce qui concerne le culte. Les signataires : reconnaissent leur témérité, d'avoir nié à l'évêque le droit de prescrire la manière de chanter a l'église. Quinzième et dernier point. « Les paroissiens de Saint-Hilaire sont prêts à se soumettre à tout ce que Sa Grandeur jugera à propos de leur enjoindre comme réparation de leurs torts ou condition à remplir pour qu'un curé soit rendu à la paroisse ». Sa Grandeur n'a jamais répondu à la lettre de repentir de ses paroissiens. Mort le 15 juillet 1875, il est disparu sans avoir pardonné, du moins par écrit, à ses ouailles contrites. Son successeur, le bon monseigneur Moreau, y répondra en 1876 et terminera sa lettre par ces paroles conciliatrices. « J'ai confiance que vous recevrez ma décision en enfants soumis de l'Église et convaincus que tout ce qui regarde l'Église est sous le domaine de l'évêque et que lui seul doit intervenir dans les questions ou les fidèles n'ont rien à faire sinon obéir et se soumettre à ce qui a été réglé ».
